Axe 1. Identifier le remploi et le recyclage 

Ce premier axe vise en premier lieu à établir un vocabulaire commun du remploi et du recyclage permettant d’envisager des comparaisons pertinentes à travers les matériaux et les époques. Cet objectif sera poursuivi et précisé entre les différents partenaires par l’établissement d’un glossaire multilingue. De la récupération au recyclage en passant par le remploi, les pratiques sont diverses et peuvent notamment dépendre des matériaux considérés. On pourra notamment s’appuyer sur le vocabulaire contemporain en vigueur dans le bâtiment (Ordonnance / L 541.1, définition du remploi, de la réutilisation et du recyclage) pour définir un vocabulaire pertinent en fonction des opérations subies par le matériau et de sa destination finale. Des enquêtes devront être menées pour établir des comparaisons avec le vocabulaire utilisé aux périodes anciennes. Il s’agira également de s’assurer que l’ensemble des pratiques et des matériaux à étudier pourront bien être interrogées à travers ce filtre.

Une fois ces bases, posées, il s’agira de mettre en commun et de développer les aspects méthodologiques permettant une meilleure identification de ces différentes pratiques sur le terrain et dans les archives. Que signifie par exemple une mention isolée de « pierres neuves » dans un texte ? L’apport de l’archéométrie sera ici déterminant, en particulier grâce à l’identification formelle d’un remploi ou d’un recyclage permise par les récents développements méthodologiques, que ce soit par datation ou par analyse structurelle ou des matériaux, montrant un mélange de matières. Mais c’est surtout le va-et-vient entre ces diverses approches archéologiques, typochronologiques, textuelles et analytiques qui permettront de poser des jalons pour mieux identifier et caractériser ces différentes pratiques.

Axe 2. Pratiquer le remploi et le recyclage aux périodes anciennes

Ce second point s’intéresse à l’organisation du recyclage au sens large aux époques anciennes. Il visera en premier lieu à établir des typologies de matériaux recyclés, en lien avec le vocabulaire défini dans l’axe précédent. Quels matériaux remploie-t-on, quels matériaux récupère-t-on, quels matériaux recycle-t-on et comment ?  Quelles sont les opérations liées à la récupération et au recyclage ? Ces opérations nécessitent-elles des infrastructures particulières ? Les matériaux ne sont en effet pas toujours (et même rarement) remployés de façon immédiate, sans transport et sans traitement préalable. On s’intéressera ici aux opérations et gestes de démontage, de l’éventuel soin apporté aux matériaux récupérés à la pratique du tri et du stockage dans leurs considérations logistiques et techniques (gestion de l’espace). Du remploi de proximité à la vente à longue distance, les situations sont diverses suivant les matériaux, les époques et les contextes. Certains matériaux récupérés comme le verre font manifestement l’objet d’un commerce organisé, alors que d’autres semblent préférentiellement se constituer en circuit court. Comment expliquer ces différences ? Et quels sont les acteurs participant à cette chaîne opératoire ? Sont-ils préférentiellement des marchands ou des artisans ? Un angle de recherche tient au travail à réaliser sur les matériaux pour les remettre en œuvre. Là encore, la typologie des matériaux, parfois transformés, parfois simplement triés et parfois réutilisés sans le moindre traitement sera éclairante. Il s’agira ici de définir les gestes techniques du recyclage, aspect pour lequel l’apport de l’archéologie expérimentale pourrait être fondamental.

Cet axe concernera également  la quantification du recyclage afin de cerner les quantités de matériaux récupérés ou recyclés et de matériaux neufs mises en jeu dans des contextes archéologiques variés.

Axe 3. Contexte du remploi et du recyclage

Ce point vise à tenter de comprendre les raisons qui ont prévalu à la mise en œuvre d’une forme de recyclage. Pourquoi recycler ou réemployer et inversement pourquoi ne pas recycler et ne pas réemployer tel matériau dans tel contexte ? Le remploi ostentatoire ou idéologique en opposition au remploi opportuniste devra ainsi être pisté en fonction des contextes et examiné selon la typologie des matériaux. Il conviendra également de cerner les aspects économiques et juridiques du remploi et du recyclage, notamment grâce aux sources historiques.  Cette approche économique devra être confrontée aux aspects juridiques et à la question de la disponibilité des matériaux et de leur fonction symbolique pour établir le caractère de nécessité et de pragmatisme dans leur mise en œuvre. L’archéologie apporte ici de précieux éléments de réponse, en envisageant toute la chaîne de la construction : production et sélection des matériaux, procédés de mise en œuvre et gestion des stocks de matériaux. Quelle part accorder au remploi ou à la réutilisation de matériaux issus des destructions ? Sont-ils privilégiés, pour des raisons économiques et logistiques (faible coût, disponibilité immédiate) ou, au contraire, a-t-on recours à d’autres types de matériaux ? On s’intéressera ainsi également à une forme de conjoncture du remploi. Le cas des réfections suite à des événements climatiques ou géophysiques (à l’instar des séismes étudiés par l’ANR RECAP) pourra être riche d’enseignements. Dans ce cas, privilégie-t-on la récupération de matériaux disponibles sur place ou au contraire l’apport de matériaux extérieurs dans un souci d’optimiser la résistance des bâtiments face à un risque récurrent ? De la même façon, la mise en regard des quantités de matériaux remployés en fonction de l’évolution des ressources du chantier de construction au cours du temps (et des époques) peut permettre de mettre en évidence une forme de remploi conjoncturel.

Les sources écrites permettront également de prendre en compte les aspects réglementaires de ces pratiques lorsqu’ils existent (et leurs éventuelles évolutions) pour les comparer aux usages constatés sur les monuments. La loi ou la coutume sont-elles fréquemment respectées ou existe-t-il des facteurs extérieurs susceptibles d’influencer, éventuellement radicalement, ces pratiques.

Axe 4. Approche comparatiste et actualiste

Cet axe de travail sera basé sur les données collectées de manière transversale dans les trois axes précédents et mettra en avant des comparaisons avec des concepts lié au développement durable et à la gestion des déchets dans nos sociétés contemporaines. A ce titre les pratiques actuelles du point de vue l’organisation du recyclage et du remploi mais également de son appréhension seront éclairées par celles des sociétés anciennes, vues sur le temps long et par plusieurs fenêtres géographiques. Inversement les approches liées à la compréhension des pratiques de recyclage dans les sociétés actuelles pourront servir de schémas interprétatifs pour les sociétés anciennes. Un des objectifs sera de comparer les grilles analytiques développées pour appréhender les pratiques actuelles avec celles mises en œuvre pour les sociétés du passé. Comment, par exemple, peut être appréhendée actuellement la notion de chaîne opératoire du remploi et du recyclage ? Quelles sont les motivations actuelles du remploi et découlent t’elles des mêmes dynamiques que dans les mondes anciens et médiévaux, etc.

Pour ce faire cet axe de recherche devra mettre en synergie des chercheurs spécialistes des sociétés anciennes avec ceux issus des laboratoires étudiant les sociétés contemporaines et leur relation à l’environnement (on pense notamment aux UMR de géographie urbaine de l’INEE).