GT “Aspects quantitatifs des pratiques de récupération, remploi et recyclage”

Animateurs : Philippe Bernardi et Danielle Arribet-Deroin

Le caractère opportuniste que l’on a pu attribuer aux pratiques de récupération, de recyclage ou de remploi les a confinées, dans notre approche des matériaux de l’architecture, en position relativement marginale, voire anecdotique, par rapport aux activités de production (implicitement associées aux matériaux neufs). A l’inverse elles ont pu être considérées comme banales, ce qui est une manière de ne pas les prendre en considération. Quand elles n’étaient pas jugées opportunistes ou banales, mais envisagées pour leur portée idéologique, ces pratiques échappaient encore à la quantification. Le fait de reconnaître une valeur au matériau « vieux », de considérer que son emploi était prévu dès le stade du projet et qu’il ait pu faire l’objet d’échanges et entrer dans des circuits commerciaux ou de production, nous engage à mieux cerner :
– l’ampleur de ces pratiques (du systématique à l’anecdotique et à l’absence)
– la proportion des matériaux vieux par rapport aux matériaux neufs
– la valeur accordée aux objets qui en sont issus.
Aborder les aspects quantitatifs de la récupération, du remploi et du recyclage par ces trois facettes se heurte bien sûr à un problème documentaire, ces pratiques relevant, dans bien des cas, d’une autoconsommation et d’une autoproduction peu à même de laisser des traces dans les sources qui nous sont parvenues. S’il faut se résoudre à une part d’ombre difficilement appréciable, il faut aussi relever que sources écrites et archéologiques nous livrent des informations quantitatives dispersées, dont la portée se trouve, de ce fait, réduite à un cadre monographique. Collationnées et comparées, ces informations nous semblent pouvoir nourrir une réflexion beaucoup plus large sur la place effective de la récupération dans la production architecturale voire dans la production de certains matériaux de construction.
Nous nous proposons, dans le cadre du GDR ReMarch de collecter les données quantitatives concernant les pratiques de récupération, de remploi et de recyclage aux périodes anciennes. La démarche consiste à rassembler des données déjà existantes dans la documentation écrite ou dans les analyses archéologiques, mais aussi de susciter ce type d’études en sensibilisant les chercheurs cet aspect de la récupération. L’un des objectifs pourrait être de mettre au point des protocoles permettant de quantifier le remploi :
– en mettant en évidence la part des matériaux récupérés dans une portion jugée représentative d’une construction (quelques assises par exemple) ;
– en collectant des valeurs absolues et des proportions entre matériaux neuf et vieux, relevées dans la documentation écrite.
Les informations rassemblées sont susceptibles d’être de deux types et de concerner des quantités et/ou des valeurs.

1. Indications de quantité
Sources écrites et archéologiques comme analyses de laboratoire peuvent concourir à l’enrichissement de cette approche. Il peut s’agir d’indiquer simplement les quantités de matériaux vieux mis en œuvre dans une construction, au vu des renseignements fournis par les comptabilités ou l’analyse du bâti. Cette indication sera toutefois particulièrement importante si elle peut être mise en rapport avec la quantité de matériaux neufs employés conjointement et si elle permet d’établir des proportions. De même, il est important de ne pas exclure les cas où aucun remploi n’est réalisé.
Il peut s’agir, dans le cas de matériaux composites ou hétérogènes, comme le verre, le mortier, certains objets métalliques ou autres, d’apprécier la part prise par la composante de récupération dans le produit final.
Lorsque la source le permet, il pourra être utile de distinguer les matériaux provenant d’une autoconsommation ou de la destruction de l’existant avant reconstruction et les matériaux acquis et provenant de l’extérieur et faisant l’objet d’un achat, d’un échange, etc.
Il conviendra de discuter au cas par cas des critères d’identification du remploi dans les textes lorsque ceux-ci ne sont pas explicites : les critères pourront être un matériau local à l’inverse d’un matériau neuf dont la provenance et le transport sont spécifiés, un prix à l’unité moindre, etc.

2. Indications de valeur
Cet aspect rejoint l’approche du groupe de travail « Qualité des matériaux de seconde main ». Parmi les valeurs indiquées figure, en premier lieu, le prix unitaire de l’élément (colonne, chapiteau, etc.) ou du matériau d’occasion. Cette information peut se retrouver dans certains tarifs, dans des comptabilités, des contrats de construction, de commande ou d’achat de matériaux. Son intérêt, dans le cadre de la présente enquête, réside principalement dans la possibilité d’une comparaison avec le prix unitaire du même élément ou matériau à l’état neuf.
Dans cette optique, on distinguera autant que possible les différentes composantes du prix : achat d’un droit, coût de la récupération, transport, coût de la transformation.
Dans certains cas, notamment lors de la rédaction de certains contrats de construction, un prix global des matériaux récupérés peut être indiqué pour être déduit du forfait auquel l’édifice est adjugé. La comparaison de ces deux montants (valeur des décombres/valeur du nouveau bâtiment) peut s’avérer intéressante pour mieux apprécier la part indirecte prise par la récupération dans une entreprise de construction.
Dans la prise en compte de prix d’éléments complexes, composites du point de vue des matériaux, la comparaison des prix du neuf et du vieux échappe à la question de la qualité des matériaux de seconde main et prend son sens principalement dans le cadre de cette approche quantitative. De même, la prise en compte du prix, croisée avec la part du remploi, permettra d’appréhender la motivation des acteurs. Par exemple, si un matériau vieux est très peu cher et employé en grande quantité, le caractère bon marché peut sembler décisif.
A partir des valeurs absolues mentionnées dans les sources, des proportions seront calculées qui permettront des comparaisons plus aisées entre périodes et sites.
Nous engageons les membres du GDR intéressés par cet angle d’approche à enrichir la réflexion par la contribution à la base de données mise en place pour le GDR.